JOSE ALLARD, le Président de l’Excelsior Virton a fait monter son club de la provinciale à la D2 Nationale pendant son mandat de Président de 1990 à 2006.
Rencontrons l’homme et le Président.
A 77 ans depuis le 3 octobre dernier, il reste sémillant, souriant et en excellente forme. Il n’a pas changé depuis 17 ans, moment de son arrêt d’activité dans le club de son cœur. Pas une ride de plus et un enthousiasme intact pour parler de sa vie et de son club.
Son début de vie :
Né juste après la guerre 40-45, il ne se plaint pas sur le plan matériel lors de ses premières années. Son père était facteur. Sa mère avait beaucoup de biens familiaux (Boucherie Wathelet à Virton). Elle démarre donc en 1946 un commerce de chasse et pêche, avant d’y adjoindre les articles de sports et le camping en 1952. Et hop, les premiers ballons de foot sont vendus aux clubs renaissants ! Au niveau émotionnel, il parle d’années catastrophiques. On n’entrera pas dans son jardin secret lors de l’interview. Cela dit, c’est chez une mère extraordinaire qu’il puise son sens du travail, ses aptitudes commerciales et sa légendaire maîtrise des dépenses. Déjà à la rue des Combattants à Virton, où son siège présidentiel se trouvait jusqu’à son départ du club en 2006.En 2009 , le siège social sera déplacé à Weyler.
Il a tâté du ballon rond jusqu’à 16 ans, en scolaires à l’Excelsior, au poste de numéro 2, arrière latéral avec José Hazée, Lucien Leroux, Georges Bitaine et Georges Naisse notamment. Mais son destin n’était pas de devenir un joueur d’exception…
Il pratiquera ensuite le judo (ceinture verte) et sera pris sous l’aile d’un champion d’Europe juniors de judo, le carolo Claude Vandamme. Pas Jean-Claude Vandamme, quand même ! Cela lui permettra de passer un bon service militaire, protégé par ce colosse moustachu avec qui il allait s’entraîner hors caserne. Finies les brimades en chambrée de 40 bidasses.
Sa carrière professionnelle :
En 1965, au retour du service militaire en Allemagne, fini de rigoler : avec son diplôme d’humanités commerciales à l’Athénée Royal et à l’Ecole Industrielle & Commerciale de Virton, il se fait émanciper et prend son premier registre de commerce pour reprendre l’affaire maternelle Allard Sports. Son frère, Yvan, son aîné de 7 ans, bien connu aussi à Virton, sera son adjoint. Ses 2 fortes personnalités se frotteront entre elles mais cela ne les empêchera pas de travailler ensemble jusqu’à la retraite d’Yvan, qu’on continue de croiser invariablement le vendredi midi à la Brasserie Le Chalet, à Virton, évidemment.
Sa carrière professionnelle, c’est toute sa vie. Il y consacre toute son énergie.
Et il a le nez fin et de belles opportunités. Dans les années 80, il sera le distributeur d’Adidas pour toute l’Afrique pour écouler les fins de séries et les liquidations. José Allard, pas Allard Sports.
L’homme d’affaires averti sera aussi précurseur en important des produits d’Asie dès 1978. Il avait déjà compris la mondialisation avant l’heure. Il continue actuellement d’aller faire du business en Chine 2-3 fois par an. L’immense Salon des produits sportifs de Canton, il le connaît comme sa poche
Autre médaille à son revers, il sera pendant plusieurs années l’importateur et l’intermédiaire privilégié du groupement d’achat français Sport 2000 (400 magasins) qui commencera à acheter en Chine à travers lui.
Sa légende commence. On lui prête même le fait d’avoir affrété un avion rempli de ballons de foot dans les soutes et sur les sièges passagers vides. Faux ! Une légende urbaine, nous confie-t-il.
En 2022, il honorera une commande de 25.000 ballons de basket fabriqués en Chine pour la FIBA Afrique. L’homme reste aux aguets de bonnes affaires. Sa société ne se porte pas bien par hasard.
Et la relève semble là, son fils unique William est devenu coadministrateur d’Allard Sports en 2022 pour une durée de 6 ans.
Son début de Président :
C’est Bernard Lion, le Président de l’époque , et Pierre Bodard qui viennent le chercher en août (transferts finis) pour un dépannage… qui durera 16 ans. Cela ne démarre pas sous les meilleurs auspices puisque le club descend en P1 sa 1e année de présidence. L’arrêt Bosman de 1995 va aussi lui donner du fil à retordre car, dès son application les joueurs n’appartiennent plus aux clubs et il va se retrouver avec des obligations et des échéances à payer assez importantes pour des joueurs qui avaient quitté le club entretemps.
Ainsi, il a encore bien en tête que le club avait dû payer une indemnité de 1.500.000 FB au club de Musson pour Philippe Cohy, parti à Dudelange entretemps. Un transfert international ne permettait pas de récupérer des indemnités au club acquéreur. C’est encore vrai aujourd’hui !
La Province comptait 149 clubs, à l’époque. Près de 120 étaient ses clients avant qu’il ne reprenne le club. Les jalousies ont fait qu’il perdra beaucoup de clients en devenant le n° 1 de l’Excel. Il en conclut que son engagement footballistique ne l’a en aucun cas enrichi mais bien appauvri au niveau commercial. Et aucun club ne peut perdurer sans que son président mette la main à la poche. C’est l’amour de Virton, sa ville, qui l’a toujours porté, nous dit-il.
Le premier coup de fil qu’il donne en arrivant à Virton, il le donne au Président du FC Lorrain, Yves Lemaire, le grand rival à l’époque. Le but est un accord de non-agression entre les 2 clubs : quand Virton est sur un joueur, Le Lorrain ne le contacte pas et vice-versa. Mr Lemaire lui répond : « Mr Allard, si vous n’avez pas d’argent, ne vous occupez pas de football ! ». Inutile de dire que, même s’il n’y eu jamais d’animosité personnelle entre les 2 hommes, la rivalité entre les 2 clubs fut encore ravivée, si faire se peut ! A l’époque l’Excelsior avait 4 emprunts de 400.000 francs dans 4 banques différentes et ne savait pas emprunter plus. Bourse vide. Mais l’homme d’affaires virtonais fut piqué au vif. Les 4 emprunts furent remboursés en autant de temps qu’il faut pour le dire et le club repartit de l’avant. La réputation de fiabilité et de sérieux de Mr Allard avait suffi à rassurer les banques. L’Histoire nous montre qu’il a bien réussi à supplanter le rival de toujours. L’un est en N1 et l’autre en P1 !
Ses entraîneurs :
Les principaux entraîneurs qu’il a côtoyés en tant que Président sont Miguel Masvidal à son arrivée, Philippe Guérard, Michel Le Flochmoan, Michel Renquin et Jean Thissen.
On croit sans surprise que le meilleur d’entre eux est Michel Le Flochmoan. Détrompez-vous !
Qui alors et pourquoi ?
Eh bien, il met Michel Renquin sur le même pied que le regretté Michel Le Flochmoan ! Michel Le Flochmoan avait son onze de vieux serviteurs et briscards. Il ne donnait pas sa chance aux jeunes. Il forgeait un noyau puis le gardait. Ainsi, quand Demarteau fut contacté par Sprimont, pense-t-il, le club avait besoin de l’argent de ce transfert pour assainir ses finances. Refus net de Le Flochmoan qui entra dans une colère noire et refusa net ! Il n’y a personne pour le remplacer, affirmait-il. Le comité souverain l’obligea à se soumettre, ce qui permis à Steve Gustin de démarrer comme enfin titulaire… avec la carrière qu’on lui a connue. De même Guy Blaise, qui frottait le banc de touche quasi systématiquement sous La Floche, déçu de ne pas jouer, avait signé à Bleid avec bon de sortie de Michel Le Flochmoan. Le comité le fit revenir sur sa signature en lui précisant que Michel Renquin allait arriver et qu’il aurait sa chance. Le Président Costantini déchira avec élégance le contrat que Guy avait signé et Renquin en fit le bloc indestructible de son équipe. Il performa de longues années au club. De plus, Renquin connaissait magnifiquement le foot et incorporait les jeunes dès que possible. Donc, Le Flochmoan était le plus malin, un excellent entraîneur et avait une poignée de fer avec le groupe de joueurs qu’il s’était constitué… mais n’incorporait que beaucoup trop peu les jeunes. Pour un financier, cela coûte beaucoup moins cher de faire jouer des jeunes du cru et cela renforce l’image régionale du club. Donc, même si Michel Renquin attaqua le club pour licenciement abusif, il était globalement plus en phase et collaborant avec les idées du comité. Il avait une science sportive encore supérieure à l’autre Michel. Mais l’efficacité des 2 était indubitable. Les 2 boss de Virton, même si Renquin resta peu à Virton.
Les bénévoles et les comitards :
De son temps, ils étaient 120 et 70 officiaient à chaque match à domicile. Sans eux, il n’y aurait pas de club. Mais selon lui, ce ne sont pas des bénévoles car ils ont tous un intérêt à être là. Il ne parle pas d’argent, évidemment mais tous ont un intérêt quelconque à se dévouer pour le club. Les avantages retirés peuvent être de participer et se changer les idées dans un milieu associatif, de faire un job qu’ils aiment bien de faire, d’aller boire quelques verres avec les copains, de quitter madame quelques heures, etc., …
Quand on parle des bénévoles dans les équipes de jeunes, 9 fois sur 10, dit-il, ce sont des parents qui s’investissent pour suivre leur progéniture. Dès que leur enfant quitte le club on ne les voit plus
Idem pour les comitards, qui passent des heures au club, participent à des réunions, se stressent face aux problèmes, se mettent en conflit avec des amis, des clients dans l’intérêt du club. Tous n’ont pas les mêmes vues sur le foot et ils se mettent aussi en conflit avec d’autres comitards. Les parents des joueurs sont aussi parfois problématiques : le gamin ne joue pas beaucoup, pas à la bonne place, …
Avouons aussi que certains comitards ont besoin de visibilité commerciale que leur engagement dans un club de foot améliore parfois nettement.
Mais comitards et bénévoles sont la pierre angulaire des clubs, leur cœur. Chapeau bas à tous !
Les joueurs emblématiques :
Il ne veut pas citer les très nombreux excellents joueurs qui ont joué sous les couleurs virtonaises. Il y en a de trop, dit-il avec raison. Et j’ai trop peur d’en oublier. Ils se reconnaîtront.
Virton et les arbitres :
Il s’est toujours étonné que les arbitres qu’il rencontrait à la réception d’avant-match n’arrivaient jamais totalement neutres. Untel en est déjà à 2 cartes rouges cette saison. Untel en est à 5 cartes jaunes cumulées. Ils devraient venir sans préjugés.
Cela dit, ils se sont toujours défendus de devoir aligner 200-250 km pour venir à Virton arbitrer. Ils trouvaient l’ambiance sympa et la région belle. Ils venaient souvent avec leur compagne pour prolonger le weekend en Gaume.
Il ne croit pas que les arbitres flamands favorisaient les Flamands lors des matches à Virton. Par contre, il est convaincu que les arbitres francophones avaient tendance à être trop durs avec Virton pour ne pas prêter le flanc à des suspicions de favoritisme. Parce qu’ils étaient souvent visionnés.
Cela dit, le sens de l’accueil doit être au centre des réceptions d’arbitres et des comités adverses. Il trouverait scandaleux d’accueillir les arbitres à la réception d’après match avec une bouteille d’eau et un sandwich. C’est une coutume séculière qui tient compte que les arbitres viennent souvent de loin.
Les anecdotes :
1. Oh Nathalie et les filles !
Au départ de la présidence en 2006, Gérard Herbigniaux et Renato Costantini étaient candidats à la reprise du club, Mr Herbiniaux étant le sous-marin du Président de Bleid qui voulait passer la colline entre les 2 clubs. Quand Virton a rappelé qu’un président ne pouvait pas être président et dans 2 clubs différents en même temps, un conseil de famille composé de Nathalie Higuet , ses 2 filles et Renato Costantini décida de ne pas abandonner Bleid pour Virton. Gérard Herbigniaux dû reprendre le club seul. Les Costantini, toujours fidèles aux Panis !
2. T’arrête, chéri !
Lors d’un match au FC Malines, la femme du président local s’est épanchée avec José Allard. Son mari de Président venait de refuser à leur fils de l’aider à acheter une villa. Motif : pas d’argent pour aider son rejeton. Madame s’écria : « Foi de moi, il ne sera plus président l’an prochain. Les sous pour la famille ! ». L’année suivante, il avait effectivement démissionné !
3. Stoppe le turbo !
Virton a toujours eu des sponsors maillots fidèles et importants. Ainsi, l’entreprise Déom Turbo de Libramont, de feu Mr André Déom, apporta pendant 3 ans un sponsoring si conséquent que même un des administrateurs du club, lui aussi sponsor, ne voulut pas croire en la réalité du montant énorme pour l’époque et claqua la porte de la réunion. Inventeur du système de chauffage, André Déom fut rappelé à la raison par sa famille au bout de 3 ans. Tout a une fin.
4. Marié, le José ?
On ne le sait que trop peu, José Allard est marié depuis plus de 15 ans avec une compagne qu’il connaît depuis près de 22 ans. Inutile de dire que José mange sainement et des produits naturels puisque son épouse est … Docteur en Chimie.
5. Moi y en a pas parler flamin, hein !
Lors d’un match de Coupe de Belgique à Saint Nicolas Waas, le délégué local vient dans le vestiaire en donnant les noms de 4 joueurs pour le contrôle anti-dopage. Immédiatement, 2-3 joueurs s’écrient : « Pas moi, pas moi ! ». Stupéfait le Président ordonne de monter tout de suite dans le car sans se laver et de partir. Imaginez la scène. Un quart d’heure après leur départ, le médecin chargé du contrôle demande où sont les joueurs. Mr Allard lui explique que comme c’est en semaine et qu’il y a des joueurs qui sont étudiants ou travaillent le lendemain, ils devaient repartir de suite. Le médecin s’insurge et dresse un rapport… en flamand que José Allard refuse, évidemment, de signer. L’affaire se jugera devant le Tribunal de l’Aile Flamande de l’URBSFA qui ne donnera qu’un blâme au RE Virton. José Allard ne pense pas qu’il y avait des dopés dans son équipe. Probablement quelques fumettes de cannabis en semaine.
On se quitte en souhaitant bon vent au club avec sa structure renouvelée. Mr Allard regrette cependant que les nouvelles règles fiscales vont resserrer la vis au niveau des impôts et de l’ONSS, ce qui risque de tuer les petits clubs. Des avancées au niveau infrastructures seront très difficiles, spécialement pour les terrains d’entraînements et une remontée en D2. Ce n’est pas demain qu’un investisseur remettra 27 millions d’€ en 5 ans comme Mr Becca. Mais je le leur souhaite de tout cœur car il y a toujours eu un club de bon niveau à Virton. Malheureusement, le football est un sport d’argent et sans sponsors généreux, rien n’est possible.
Messancy 15 décembre 2023