LA JUSTICE SPORTIVE DE LA RBFA
Si on constate au quotidien que la judiciarisation de la société est en constante augmentation, il s’avère également que le sport n’y échappe pas. Et le football tout particulièrement.
C’est ainsi que la Fédération belge de football s’est construite en son sein, au fil de ces dernières années, une structure disciplinaire assez complexe mais qui s’est réellement professionnalisée. Elle dispose à présent de ses propres institutions : un parquet, des juridictions de première instance et d’appel, des enquêteurs et des juges. Bref : un système parallèle en marge de la justice d’état.
En effet, actuellement et de façon régulière, des comités et commissions de notre fédération statuent et prennent des décisions dans des dossiers impliquant tant des clubs de football que des affiliés. Les faits et les contestations dont se saisit la justice sportive peuvent être différents par leur nature : dopage, falsification de la compétition (matches truqués), octroi de licences ou encore chants offensants pour ne citer que ces quelques exemples.
Ces transgressions au règlement de l’Union belge ont le plus souvent soit été constatées par l’arbitre, soit, dans le football professionnel plus particulièrement par le « Match Delegate ». Ceux-ci sont alors priés d’établir un rapport qui sera transmis au parquet de l’Union belge. Les faits litigieux peuvent aussi faire l’objet d’une plainte ou d’une réclamation. A ce stade, il faut préciser que le parquet fédéral de l’Union belge est concerné par les dossiers liés au football professionnel et jusqu’à la fin de cette saison, à ceux de la division 1 amateur nationale. Tandis que les parquets régionaux et provinciaux gèrent quant à eux les dossiers des clubs de division 2 et 3 amateurs, des divisions provinciales et des divisions interprovinciales de jeunes. A dater de la prochaine saison, en ce qui concerne plus particulièrement la division 1 amateurs regroupant cette fois les seuls clubs francophones, elle deviendra division 1 ACFF et entrera donc dans le giron du parquet ACFF nouvelle mouture.
Dans la procédure, une fois que le parquet a tous les éléments en main, le procureur décide, après concertation avec les substituts, d’ouvrir ou non une enquête disciplinaire. C’est généralement au cours de cette phase qu’interviennent les avocats des affiliés pour défendre les intérêts de leurs clients. Le parquet fédéral, lui, défend les intérêts de l’Union belge et aussi du football professionnel.
Dans certains cas, si nécessaire (faits de corruption par exemple), le procureur fédéral ou régional peut désigner un coordinateur d’instruction. Son rôle est d’assurer la coordination des actes d’instruction et notamment les auditions des personnes impliquées. Il est aussi habilité à ordonner des recherches complémentaires, à faire intervenir des experts ou à confier des investigations à la Commission d’enquête. Pour des faits plus simples, avérés ou ne nécessitant pas de devoirs d’enquête supplémentaires, l’intervention de ce coordinateur n’est pas toujours nécessaire. Lorsqu’il est par contre désigné, une fois que l’enquête est achevée, le coordinateur d’instruction fait part de ses conclusions au procureur fédéral ou régional pour qu’il puisse prendre sa décision.
Si, après avoir examiné le dossier à la clôture de l’enquête, le parquet fédéral ou régional estime qu’il faut poursuivre, il peut envoyer l’affaire devant les instances sanctionnatrices fédérales.
Pour le football professionnel, il en existe deux principales et une plus secondaire : le comité disciplinaire pour le football professionnel, le conseil disciplinaire pour le football professionnel et la commission des licences. Ce qui les distingue, c’est le type de dossiers qui leur sont soumis en premier ressort.
Le Comité Disciplinaire pour le Football Professionnel est composé exclusivement de juristes qui ne peuvent être liés à aucun club en particulier en tant que membre ou actionnaire. Ce comité juge les incidents, les faits répréhensibles, les contestations, les cas de méconduite de joueurs, d’affiliés ou de spectateurs ainsi que tous les faits à charge des clubs qui ont lieu pendant la compétition officielle, les matches amicaux et les tournois ou les matches internationaux. Il tranche aussi les conflits entre les joueurs et les clubs. Ses décisions sont susceptibles d’appel auprès du Conseil disciplinaire pour le football professionnel
Cette autre instance, le Conseil Disciplinaire pour le football professionnel, est désignée pour examiner en 1er ressort les dossiers relatifs aux faits les plus graves et les plus préjudiciables pour le sport et pour notre fédération, à savoir les pratiques liées au dopage, à la falsification de la compétition, à la régularisation des affiliations, à la régularité des transferts, à la qualification de joueurs, aux matches arrêtés ou non joués et aux forfaits, à certaines plaintes concernant l’arbitrage, à l’ingérence dans d’autres clubs, aux infractions concernant la collaboration des clubs avec des intermédiaires, aux paris sportifs, aux infractions aux engagements des affiliés et aux chants blessants. En 2ème ressort, elle a aussi à connaître des appels aux décisions rendues par le Comité Disciplinaire pour le Football Professionnel ainsi que des appels rendus suite aux décisions du Bureau de l’arbitrage du football professionnel, de la Chambre Nationale des exclusions civiles (spectateurs) et du Manager du calendrier.
La Commission des Licences enfin, qui statue sur les dossiers d’attribution de ce précieux sésame et dont les décisions peuvent être frappées d’appel devant la Cour Belge d’arbitrage du sport (CBAS). Il en est de même pour ce qui concerne les décisions rendues en premier ressort par le Conseil Disciplinaire pour le Football Professionnel tandis que celles rendues en degré d’appel par ce Conseil sont quant à elles susceptibles d’évocation auprès de la Commission d’Evocation.
En ce qui concerne le football amateur, compte-tenu de la disparition de la division 1 amateur nationale au terme de cette saison et de son arrivée au sein de l’ACFF, compte-tenu de la réforme de ses instances disciplinaires (suppression des comités provinciaux et du comité sportif), un nouveau paysage disciplinaire va voir le jour avec la création d’une Commission disciplinaire de première instance. Mais en attendant son installation prochaine, la structure du comité d’appel ACFF reste actuellement en place. Il n’est dès lors plus nécessaire d’approfondir les modalités de fonctionnement de l’ancien système et il est préférable d’attendre la mise en œuvre de la nouvelle réforme pour en parler.
Quelles sont les premières conclusions que nous pouvons, en l’état actuel, en tirer ? Il est indéniable que le football belge a incontestablement évolué, son système disciplinaire se renforçant et se professionnalisant au fil du temps. La loi Salduz est aussi passée par là en ce qui concerne tout particulièrement les modalités d’audition des affiliés par les rouages disciplinaires concernés et qui permet à leurs côtés la présence d’un avocat. La possibilité de conciliation in fine de la procédure via la Cour d’arbitrage du sport (CBAS), juridiction autonome et neutre créée en 2012, va également dans ce sens. Le bon sens…
Certes, tout n’est pas encore parfait. Le football et ses structures ont encore des progrès à faire. Mais nous sommes sur la bonne voie !
« Le monde déteste le changement, c'est pourtant la seule chose qui lui a permis de progresser ». Charles Kettering
Lucien Masson
Vice-Président de la Commission d'enquête